L’Affaire Kharlan : politique et sport, nouvel estoc
La Fédération Internationale d’Escrime (FIE) a suscité une vague d’indignation après avoir disqualifiée l’Ukrainienne Olga Kharlan qui a refusé de serrer la main de son adversaire russe Anna Smirnova à l’issue d’un assaut qu’elle venait de gagner. Elle a immédiatement été bannie de la compétition.
A l’origine, l’Ukraine avait fait un effort et autorisé ses escrimeurs à participer aux championnats du monde de Milan qualificatifs pour Paris 2024. Ces championnats accueillent des escrimeurs russes et des biélorusses qui ont été réintégrés voici plusieurs mois par la FIE. Les rencontres entre les deux pays en guerre étaient donc autorisées sur la piste milanaise.
Lors de ces championnats, l’Ukrainienne Olga Kharlan s’est vu opposée à la russe Anna Smirnova en 8ème de finale du sabre féminin. La championne olympique de Pékin 2008 s’est imposée à la russe 15 touches à 7 et s’est qualifiée pour les quarts de finale.
A la fin du combat, Kharlan s’est avancée vers Smirnova et lui a tendu la pointe de son sabre en signe de salut, puis lui a tourné le dos et s’en est allée.
Visiblement choquée, Anna Smirnova est restée hébétée, puis elle a pris une chaise et s’est assise sur la piste (photo) pendant une heure. L’escrimeuse russe fait partie des 11 escrimeurs autorisés à concourir en tant que neutres individuels aux Championnats du monde d’escrime à Milan, bien qu’une photo d’elle ait été prise posant avec son frère en uniforme militaire.
La FIE inflexible
A la suite de cet incident, la Fédération internationale d’escrime (FIE) a pris une décision radicale, appliquant son règlement à la lettre sans la moindre compassion.
Kharlan a reçu un carton noir qui l’a disqualifiée de la compétition individuelle de sabre féminin. Une décision qui impliquait également sa non-participation à la compétition par équipe. Elle a de plus été bannie de toutes compétitions pendant 60 jours.
Son adversaire pour les quart de finale, la Bulgare Yoana Ilieva, s’est donc directement qualifiée pour les demi-finales.
Le CIO qui venait de saluer hier la décision du gouvernement ukrainien d’autoriser les escrimeurs à participer aux qualifications pour Paris 2024 s’est immédiatement ému de cette décision.
Bach à la rescousse
C’est ainsi que le Président du CIO en personne a pris la plume pour promettre une « place de quota supplémentaire » pour Paris 2024 à Olga Kharlan.
Avec beaucoup d’empathie, Thomas Bach a poursuivi. « En tant que camarade escrimeur, il m’est impossible d’imaginer ce que vous ressentez en ce moment. La guerre contre votre pays, la souffrance du peuple ukrainien, l’incertitude autour de votre participation aux Championnats du monde d’escrime à Milan, les conflits intérieurs difficiles que vous et beaucoup de vos collègues athlètes ukrainiens pouvez avoir et puis les événements qui se sont déroulés hier – tout cela est une montagne russe d’émotions et de sentiments », a déclaré le président du CIO pour justifier sa décision.
Le ministre ukrainien des sports Gutzeit a salué la décision du CIO.
Dans la foulée, la Fédération internationale d’escrime a changé son fusil d’épaule et a autorisé Kharlan a participer à la compétition par équipe. « Nous avons discuté en profondeur de cette question et de cette décision » a déclaré le président par intérim de la FIE, Emmanuel Katsiadakis. « Nous pensons que cette décision est prise dans l’esprit olympique ».
Cependant afin de ne pas se déjuger, la FIE a insisté sur le fait qu’elle « soutient pleinement la sanction, qui, après un examen approfondi, est en parfaite conformité avec ses règles officielles et les sanctions associées ».
La réaction russe a été immédiate. Le président du Comité olympique russe, Stanislav Pozdniakov a riposté au CIO en affirmant qu’il avait « choisi son camp dans le conflit politique ».