France, nation sportive ? Encore loin du compte
Les Jeux de Paris sont définitivement terminés, il ne reste qu’à solder les comptes (voir ci-dessous). Immédiatement, la question se pose de savoir quel héritage ils vont laisser… parce qu’on peut penser que c’était le but. Pour le grand public, tout va bien, la fête était magnifique. Pour de nombreux athlètes et dirigeants du sport français en revanche, l’addition risque d’être lourde.
Le sport français se réveille douloureusement de ces Jeux avec le sentiment que rien n’est déjà plus comme avant. On pourrait appeler cela « la gueule de bois ». Les symboles visibles ; les anneaux, les agitos ont été décrochés, la vasque démontée et cela laissent un grand vide. Mais il y a plus grave, la partie cachée de l’iceberg, c’est-à-dire la façon dont le sport français va devoir gérer son héritage. Or, hélas, tout héritage a un coût.
Le Président de la République avait exigé que la France se hisse dans les cinq meilleures nations mondiales à l’issue des Jeux. Les sportifs ont fait le job, ils finissent cinquièmes.
Une fois le résultat acquis, l’état est passé très vite à la question suivante : la formation d’un nouveau gouvernement et la nécessité de contenir la dépense publique lors de l’examen du budget 2025. Sans même se retourner sur un passé récent, le ministre des Sports hérite d’une baisse significative (-19,3%). Bien qu’il ait été balayé, il y a gros à parier que le successeur du « 95, avenue de France » n’obtiendra pas beaucoup plus.
Besoin de moyens pour performer
Les fédérations accusent déjà le coup (le coût). Elles ne parviennent pas à accueillir tous ces jeunes qui veulent en découdre et qui rêvent de gloire olympique. Certaines fédérations comme le tennis de table doivent gérer « l’effet Lebrun » et faire face à une déferlante avec plus de 20% d’effectifs supplémentaires. Les gymnases existent, mais il faut trouver des tables, des raquettes, des balles pour tout le monde.
Quant aux sportifs eux-mêmes, célébrés, adulés en juillet-août, ils reviennent à la réalité une fois les lampions éteints. Tous ne s’appellent pas Marchand, Riner ou les Lebrun, et beaucoup d’entre eux craignent de devoir consacrer plus de temps à la recherche de partenaires qu’à l’entraînement dans les prochains mois.
Voilà en effet qu’on parle de la baisse des moyens financiers des sponsors. Après avoir dépensé des sommes colossales pour figurer en bonne place sur les écrans des Jeux olympiques, ces derniers réduisent le filet d’eau et assèchent progressivement leur partenariat.
Le sport rassemble
Pourtant, le sport rassemble et le sport éduque. Miser sur le sport, c’est miser sur une société plus juste, plus inclusive et en un mot, plus moderne. Pourtant l’état annonce une autre grande nouvelle : la mise au placard du dispositif de deux heures de sport supplémentaires au collège destiné à lutter contre la sédentarité des ados. Mesures d’économie obligent, il ne s’appliquera plus qu’aux zones d’éducation prioritaire.
Pour de nombreux sportifs, c’est un très mauvais signal. La championne olympique de sabre Manon Apithy-Brunet s’en inquiète : « Le sport, c’est bien pour la santé mentale… On a déjà des problèmes avec les écrans, donc si on n’ouvre pas le côté sportif aux jeunes, qu’est-ce qu’on va devenir plus tard ? « . Alexis Hanquinquant, champion paralympique de triathlon, y va lui aussi de son coup de gueule : « voir qu’on a annulé les deux heures de sport supplémentaires par semaine au collège, ce sont des décisions qui sont regrettables. Où est l’héritage des Jeux 2024 ? »
Alors, tout n’est pas à jeter aux orties. Les Jeux laisseront de belles réalisations au-delà des médailles et des belles images. Ainsi, la multiplication et la rénovation de milliers d’infrastructures sportives sont désormais une réalité. Le pays est bien doté, comme doit l’être une nation qui attache de l’importance à la promotion du sport. Mais la France est-elle devenue une nation sportive ? Pas encore, écrit Denis Massiglia, l’ancien président du Comité olympique national (CNOSF). Il fait dix propositions dans ce sens, car, selon lui, « il n’est pas trop tard pour rêver plus grand ».
* DÉCIDEURS DU SPORT by Patrick Bayeux
Un léger excédent pour le sport français
À la veille d’un conseil d’administration qui va solder définitivement les Jeux de Paris 2024, le Comité d’organisation de Paris 2024 (COJOP), toujours présidé par Tony Estanguet, se félicite d’un bilan financier en léger excédent (26,8 millions d’euros) avec plus de 4,480 milliards d’euros de revenus pour environ 4,453 milliards de dépenses. Le président du COJOP profitera de ce conseil pour mettre un terme à sa mission. Il entend désormais se reposer et réfléchir à son proche avenir.
Ce résultat positif permet au Cojop de ne pas mobiliser les différentes garanties des parties prenantes, comme l’État, la ville de Paris et la région Île-de-France. En revanche, les organisateurs ont rappelé que tous les potentiels surcoûts liés à la sécurité (1,4 milliard d’euros) mise en place par l’ensemble des forces de l’ordre, dépendantes seulement de l’état, n’étaient pas intégrés à ce bilan.
Au chapitre des belles réussites, le succès populaire des Jeux avec plus de 12 millions de billets vendus (olympiques et paralympiques) pour une billetterie qui s’élève à près de 1,5 milliard d’euros (1,489) c’est près de 90 millions d’euros de plus que le budget prévisionnel.
L’excédent sera réparti en trois : 20% pour le Comité olympique français (Cnosf), 20% pour le CIO et enfin 60% dans la promotion et le développement du sport en France, dont une part pour le Comité paralympique du sport français (CPSF).